Qu’est-ce qui caractérise une machine pour le cuir ? Euh…
« La taille, c’est en général une grosse machine robuste... Elle peut coudre très épais parce qu’elle a une énorme force de pénétration... Elle a une forme « canon »... Une vraie machine cuir a un triple entraînement ou un double entraînement... Elles cousent avec des grosses aiguilles et du fil gros comme de la ficelle à rôti… »
Voici ce qu’on entend le plus souvent et qu’on imagine donc d’une machine à coudre pour cuir. La réalité est tout autre car en fait, il n’existe qu’une seule spécificité caractérisant une machine « cuir » et correspondant d’ailleurs à une exigence. Selon vous, laquelle ?
Premier indice : en dehors de cette spécificité, rien ne peut caractériser une machine « cuir », ni dans sa géométrie (piqueuse plate, canon ou pilier), ni dans son mode d’entraînement (simple, double ou triple et encore moins quadruple), ni dans sa capacité de pénétration.
Idée reçue n°1 : la puissance de pénétration d’une machine cuir est ce qui se fait de plus élevé.
Non. La puissance de pénétration que demande la fabrication de sangles de portage en kevlar, de semelles en élastomère ou de panneaux rigides est bien supérieure à la plupart des travaux cuir même lourds comme la sellerie ou le harnachement ou la chaussure cuir.
Idée reçue n°2 : une vraie bonne machine cuir est à entraînement triple.
Non. L’entraînement triple est surtout souhaitable pour coudre des matériaux glissants (toiles synthétiques enduites comme les voiles) ou fragiles avec tendance au fronçage (voilages, soieries, dentelles) ou encore des surépaisseurs (piqûres croisées).
Pour les matériaux lourds et encombrants, un puller serait plus efficace.
Il faut savoir que, par nature, un entraînement triple n’est pas plus « costaud » ni plus puissant qu’un simple entraînement. Du fait de sa complexité, il est même plus fragile qu’une machine de même calibre. Le brevet initial du triple entraînement (USA fin des années 40) précise que l’avantage est d’éviter le glissement différentiel des couches à coudre durant l’entraînement et d’assurer la régularité de la longueur de point quel que soit le matériau piqué. L’application type est le parachute et ses centaines de mètres de coutures sur toile fine et lisse.
Idée reçue n°3 : une « canon » ou une « pilier » sont forcément des machines cuir.
Non. Les géométries canon ou pilier correspondent davantage à un travail ou à une tâche plutôt qu’à une matière. La chaussure c’est beaucoup la pantoufle feutre ou les baskets toiles. Les chapeaux et les boîtes à chapeau, les articles de sport (sacs de golf par exemple) requièrent souvent des canons ou des piliers pour coudre toutes sortes de textiles et matières synthétiques en plaques et films mais pas forcément du cuir.
Idée reçue n°4 : machine cuir = gros fil et grosse aiguille.
Non. Quantitativement, les gros fils et les grosses aiguilles ont été davantage utilisés en fabrication de couvertures en bâche de wagons de chemins de fers, chapiteaux, barnums, constructions textiles militaires en tissu enduit caoutchouc. Sur ces ouvrages exposés aux intempéries et aux UV, aiguilles du calibre d’un clou de menuisier et ficelle à rôti étaient d’usage parce que les fibres naturelles avaient des performances et une longévité réduite par rapport aux fibres synthétiques de même diamètre couramment employées aujourd’hui.
Alors, quelle est cette spécificité qu’exige (parfois seulement !) une machine cuir ?
Second indice : COQUETTERIE. Cette spécificité lui permet de se placer sans rougir à côté de la couture « main », mais ce n’est pas l’inclinaison du point…
Langue au chat ? Tout dispositif ou équipement dont le but est de prévenir ou minimiser le marquage de la peau notamment sur la face visible, tout en conservant un entraînement suffisamment efficace.
La roulette permet de presser fortement sans frotter sur le cuir ni freiner l’entraînement et en ne le marquant que discrètement.
Le pied accompagnant ou l’entraînement double par griffe et crochet supérieur d’ADLER répondent aussi à cette préoccupation. L’entraînement double griffe + aiguille idem.
L’entraînement par griffe rotative, efficace même avec une faible pression sur pied et limitant le risque de marquage, caractérise une machine cuir.
Sur une triple entraînement (ou double par griffe + pied), des pieds à semelles lisses caractérisent aussi une machine cuir.
En conclusion, la quasi-totalité des machines pros à points noués anciennes ou modernes peuvent coudre du cuir.
Nous avons d’ailleurs réalisé des coutures d’assemblage en bord absolument magnifiques sur du veau très lisse ou de l' agneau avec une ex-star de la confection fine, la Juki DDL-555-4.
A peine modifiée et avec une aiguille tranchante ou diamant, une Pfaff 238 6x6 coud incroyablement bien jusqu’à 8 mm de cuir tannage végétal pas trop dur et en zigzag s’il vous plaît !
L’antique Pfaff 130 bien réglée piquera d’un très joli point droit ou zigzag toute l’épaisseur de cuir que vous pourrez passer sous son pied, sans problème.
Notons d'ailleurs que beaucoup des sous-classes de DÜRKOPP-ADLER 267 à triple entraînement ne sont pas dédiées au cuir.
Pareillement, la numérotation des sous-classes PFAFF « xS » ou « xL », par exemple dans PFAFF 545 BS, le S signifie « stoff » en allemand, « toile », alors que le L signifie « leder », « cuir ». Dans les faits, les différences entre les deux sous-classes sont minimes : sur les « S », volant plus petit pour coudre plus vite la toile et cinématique de la griffe de type 4 temps*, 2 pour la machine cuir. Beaucoup cousent parfaitement du cuir avec une "S" sans même le savoir !
Les possibilités foisonnent avec, d’expérience, une exception toutefois : la SINGER 20U dont l’excellence en confection ne se révèle pas bien en maroquinerie. Allez savoir pourquoi !…
Dès que nous serons familiarisés avec l’envoi de photos, des illustrations viendront
* 4 temps : 1- la griffe s’élève et dépasse la surface de la plaque à aiguille. 2- la griffe recule. 3- la griffe s’efface sous la plaque à aiguille. 4- la griffe se déplace vers l’avant avant de ressortir.
Sur une machine « cuir » ou une bordeuse à triple entraînement, la cinématique est à 2 temps : la griffe reste constamment au niveau de la plaque à aiguille et fait uniquement un mouvement de translation avant <> arrière. Cela évite le marquage de la face inférieure du cuir par les bords des fentes de griffe et pour les bordeuses, l’irrégularité de la ligne de couture.
Spécificité d'une machine pour le cuir
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Spécificité d'une machine pour le cuir
Max & Shed Custom Recreation
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- sylnergie
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Re: Spécificité d'une machine pour le cuir
trop forts ! vous êtes trop forts, les gars, et passionnants ! J'adore ce B-A BA des machines, et j'ignorais que les MAC aussi étaient 2 ou 4 temps, comme les moteurs.. Seule la valse est à 3 temps alors ?
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Re: Spécificité d'une machine pour le cuir
Mais non, la valse peut avoir "mille" temps pour certains.
Jacquy.
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- Le_Babelleir
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Re: Spécificité d'une machine pour le cuir
ou elle a mit le temps
Cordialement
Alain
- beaulama
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Re: Spécificité d'une machine pour le cuir
merci de prendre du temps pour nous instruire sur ces belles machines.
Alain.
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