Travail du Cuir

Salut à tous !


Je suis heureuse de vous présenter mon nouveau défi.
Voici une selle qui m'a été commandée. Ses particularités :
- un ground seat (siège intérieur) intégré à l'arçon, en fibre de verre,
- utilisation du cuir en rough-out, c'est-à-dire en cuir retourné, sur certaines pièces,
- teinture marron intégrale,
- siège matelassé.


Voici les premières étapes :


Je prépare le gullet. Pour cela, je découpe et pare la pièce, puis la trempe abondamment et la mets en forme comme je peux.





Ma découpe n'est pas top. Je suis déjà gênée par ce ground seat intégré. Le cuir est TRES dur à travailler, je ne suis pas habituée à ça ! Autant, le cuir utilisé précédemment sur la selle de Tilda était très malléable, beaucoup trop même. Autant celui-ci... c'est du costaud !! alors pour mouler la pièce, j'en bave. Je m'y reprends à plusieurs reprises pour l'immerger et attendre qu'elle soit vraiment imbibée d'eau.
Une fois sèche, elle est dure comme du bois !


J'attaque ensuite le back cantle :

Puis, grâce à la vidéo du sellier Don Gonzales, je couvre l'arrière du ground seat avec une pièce de cuir, que je pare ensuite sur le contour.






Pour installer la pièce dans les meilleures conditions, j'appose deux couches de colle, puis je la trempe. Une fois imbibée, je sèche la surface puis je remets de la colle, et je plaque la pièce. C'est parfaitement collé. Je plaque bien dans les angles et les creux.


Je rabats les languettes sur l'avant, entre les deux passages d'étrivières :

Ensuite, je prépare des cales à l'avant et l'arrière des passages d'étrivière, pour supprimer au toucher l'angle du ground seat intégré, au centre de l'arçon. Je veux enlever cette marche qui est très désagréable et qui se sentirait, à l'utilisation de la selle.

L'idée est toujours la même : poser des pièces de cuir pour effacer toute marche, tout angle inconfortable ou visible. Puis parer le cuir pour obtenir de beaux bombés uniformément sur l'arçon.


Enfin, je prépare les étrivières et fenders. Ces fenders seront montés en rough-out, c'est-à-dire côté chair visible.



Le cuir est extrêmement dense. J'utilise un cuir de chez Valeix, du croupon et du collet TG, recalibré. Ce qui fait que la densité est la même partout. C'est un pur bonheur ! Un peu difficile à travailler pour mes petites mains de gonzesse. Mais il est sacrément fiable sous la main. On sent que c'est du costaud !!!


To be continued...

N' d'une pipe!!! Comprends pas tout ce que tu dis mais je vos bien le boulot! Et perso je ne me lancerais pas dans ce genre de truc même avec une certaine expérience! Chapeau bas M'dame!!!

Chouette une nouvelle selle!!! On voit que tu commence a bien maitriser ton sujet. Du coup tu travaille quoi comme cuir? Il est plus epais ou c'est juste que le tannage n'est pas le même ?

Merci pour vos réactions !
Non non Old Cowboy, je suis loin de maîtriser le sujet... Ce n'est que la 3ème ! J'ai encore de belles erreurs qui m'attendent au tournant...

Comme cuir, c'est du tanné végétal. J'ai du 4,5mm environ pour faire la majeure partie de la selle, j'ai aussi du 3,5mm pour quelques pièces moins exposées et moins vulnérables, notamment le fork cover (pour recouvrir l'avant de la selle, qui soutient la corne), le back cantle (derrière le troussequin), et les enveloppes de maintien de l'arçon.
J'ai utilisé de la bande végétale un peu moins épaisse (2,5-3mm) pour le dessous du ground seat.
Hormis la bande végétale, le cuir que j'utilise a été recalibré. C'est le tannage habituel, mais il est ensuite refendu et compressé, pour avoir la même densité partout. J'évite donc les difficultés et mauvaises surprises d'un cuir qui a des faiblesses en plein milieu de la peau.
Niveau ressenti, j'ai l'impression d'être dans la ligne du dos sur toute la peau ! Donc c'est chaud à couper, chaud à mouler, mais une fois en place, ça ne bouge plus !! l'immense avantage, c'est qu'il n'y a pas de chute, nulle part (hormis les cicatrices et petits défauts bien sûr) et c'est beaucoup, beaucoup moins prise de tête pour positionner mes pièces. Je les prends n'importe où dans la peau ! J'essaie quand même de faire gaffe au sens du prêtant, mais les peaux sont TELLEMENT denses, que je ne suis pas sûre qu'il reste beaucoup de prêtant en fait.

Il ne viendrait pas de Bédarieux ton cuir?

Bonjour

Petite question candide puisque je ne connais pas les techniques de sellerie. Quand un cuir est dur à mouler, pour fabriquer un appareillage ortho, comme mouler un corset, je trempe le cuir et je le bats sur un granit ou une enclume, et il est plus mou, plus facile à travailler. Vous ne battez pas les cuirs en sellerie ?

Michel

Luc, SI !

Geppetto, je ne saurais pas te dire exactement. Mich' le saura sûrement. Je sais qu'on martèle volontiers le cuir sur son support, à savoir l'arçon, quand cela est nécessaire. Mais le battre sur granit ou enclume, je n'ai jamais vu ça. Mais peut-être, en effet !

Quand j'écris battre, ce n'est pas mettre le cuir sur un granit et le frapper avec un marteau, comme on bat les semelles de cuir pour les durcir, c'est prendre le cuir en main et le projeter sur le granit.
J'ai connu un artiste qui fabriquait des masques en cuir et pratiquait aussi de cette façon pour assouplir ses cuirs.

Michel

Voici le travail d'hier : fork cover.

Comme vous pouvez le voir sur la photo ci-dessous, mes découpes sont mal situées, au niveau de la languette qui passe à l'intérieur, à travers le trou de la main. Mes coupes sont trop hautes. Ce qui m'a forcée à tirer toute la pièce au maximum vers le bas et vers l'arrière. De ce fait, le trou réalisé pour passer la corne est décentré, vers l'arrière. Mais le mule wrap la couvrira en grande partie.
J'ai espoir de dissimuler ces entailles avec le siège définitif, que je ferai légèrement remonter, juste assez pour camoufler les entailles.
C'est une pièce qui me donne chaque fois du fil à retordre, parce que je manque de technique. Je pense aussi que mon gabarit n'est pas top et qu'il me complique la tâche. Il faut plier et mouler cette pièce dans tous les sens pour obtenir une couverture plaquée partout.

Bonjour et bravo pour ce 3 eme défi que je vais suivre avec beaucoup d'attention. Et, merci de ce reportage

Merci beaucoup Equicuir.

Avant de faire le fork, je dois donc couvrir la corne.
Je prépare la pièce qui couvre l'avant de la tige, ainsi que le dessous de la corne :



Ici, je fais l'erreur de couper la pièce trop ouverte. Comme me l'indique Mich' dans un croquis, il faut que les bords se touchent presque.


Je refais donc.



C'est encore à peine juste, mais ça va le faire.


Entretemps, j'ai collé et paré une lentille pour arrondir le dessus de la corne, jusqu'ici tout plat.


J'ajoute une pièce ronde de cuir sur le dessus. Je la mets en forme à l'aide de la plyer clamp et de la lissette. Je dois bien bien former la délimitation, au-dessus comme en dessous, du contour de la corne. Si je zappe cette étape, je ne serai pas en mesure de tracer correctement la ligne de couture, et ma couture a tous les risques d'être décalée au lieu d'être au plus près du bord.

Je peux ensuite installer le horn cap (c'est-à-dire la casquette, qui couvre définitivement la corne). Pour ce faire, je le colle en l'installant dans l'encoche, faite dans les pièces de cuir précédentes. De cette manière, le wrap descend bien droit à travers les pièces de cuir, le long de la tige.
Puis je le mets en forme, comme les autres pièces, à l'aide toujours de la plyer et de la lissette.



Cette marque est griffée, puis cousue :

Exceptionnellement, je perce tous les trous à l'avance, ce qui me permet de me concentrer sur la verticalité de mon geste pour avoir une couture le plus propre possible en dessous.


Je passe alors à la découpe de l'excédent, en ayant au préalable tracé mon contour à l'aide d'un trace-cercle.

Je ponce, abat-care, et brunis les bords.





Je teinte :

Et finis le tout avec de la gomme arabique :

Bonjour Amélia, et bien on ne t'arrête plus dis donc! Toujours du très bon boulot!
Merci pour ces suivis bien détaillé, c'est vraiment important et utile, les gens peuvent se rendre compte du boulot que ça représente. Je sais que tu n'as pas beaucoup de retour, mais c'est un sujet particulier et difficile a commenter.

Hâte de la voir terminée

Merci beaucoup Cylène ! Je suis ravie de partager ce travail avec vous tous.

Le feuilleton continue !


Après avoir soigneusement fixé le wrap et paré tous les bords à 0, pour éviter les surépaisseurs sous le fork, j'ai recommencé cette pièce.





J'avais du mal à former le pli correctement. Il faut jongler entre l'avant et l'arrière qui se soulèvent alternativement. C'est-à-dire que quand on est bien devant, l'arrière baille trop. Et quand l'arrière se plaque à peu près, il y a un énorme jour devant, à avaler. Mon pli n'est pas très joli car j'avais encore trop de matière dessous, à supprimer par le parage.
Ce pli doit être désépaissi, et tout le contour du fork cover doit être paré à 0 pour ne plus sentir aucune marche.


Après ce travail de mise en forme et de parage, j'obtiens donc cette pièce. Le pli est bof, mais la découpe au niveau du trou de la main est incomparablement mieux.

Il s'en est fallu de peu que j'aie à recommencer la pièce une TROISIEME fois ! En effet, quand je suis passée à la teinture, le cuir est ressorti beaucoup plus foncé que le reste des pièces. Presque noir ! Je me demande pourquoi. Est-ce la mise en forme et l'étirement ? Je n'en sais rien. Quoi qu'il en soit, après une bonne nuit de séchage, le cuir s'était un peu éclairci. A présent, il reste une différence mais elle n'est pas trop choquante. Je vais probablement foncer un peu les autres pièces pour tenter d'harmoniser le tout.

J'attaque ensuite les skirts.


Sur cette photo, ils sont encore tout plats.



Je commence alors à marteler pour imprimer les barres d'arçon dans le cuir. Cela crée un creux dans lequel les barres viendront naturellement se loger.


C'est fou comme ce cuir est plus dur à travailler que le précédent, utilisé sur la selle n°2. Mais tant mieux, car au moins, ça se tient et c'est du costaud !

Je laisse passer le nuit avant de raccourcir l'arrière des skirts :